Ombres du Cambodge
Biographie
Le Sbek Thom, grand théâtre d’ombres du Cambodge
Le grand théâtre d'ombres cambodgien est assez original. En effet, il ne s'agit pas, comme dans l'Ayang, d'ombres créées par la projection de formes ou d'objets à partir d'une source de lumière sur un écran blanc. Dans la version originelle, le brasier est en arrière de l'écran et les figures de cuir sont maniées devant les spectateurs par des manipulateurs-danseurs qui les tiennent à bout de bras.
Les cuirs, contrairement à ceux de l'Ayang, sont d'une seule pièce et non articulés. L'écran s'étend sur dix mètres de long sur quatre de haut. Les figures de cuir, s'élevant à un mètre soixante de hauteur, sont fabriquées selon des règles d'une rigueur très précise au rythme de rituels censés apporter la protection des dieux et esprits. L'artisan, dans la réalisation de ces panneaux de cuir de boeuf, se doit de respecter certaines règles établies de manière quasi immuable par la tradition. Là encore, ce n'est pas l'inventivité qui est mise en exergue, mais le respect d'un processus sacré. Une variante du grand théâtre d'ombres utilise des figurines teintes taillées dans des panneaux de cuir de dimensions plus modestes.
Les danseurs, tout en tenant les figures de cuir à bout de bras, exécute une chorégraphie qui se calque sur celle du Lokhon Khol et en reprend les thèmes eux- mêmes toujours extraits du Reamker, le Ramayana cambodgien. Les danseurs-porteurs de cuir sont accompagnés par un orchestre Pin Peat et par deux narrateurs qui sont les maîtres du spectacle.
Déjà en régression avant 1970, le grand théâtre d'ombres a particulièrement souffert de la guerre. Un jeu complet de grand cuir a récemment été reconstitué. Des danseurs sont formés par les deux narrateurs qui ont survécu. Un atelier de confection des cuirs a été recrée au Vat Bo de Siem Reap, ville dans laquelle une troupe a pu être recréée après qu'une formation ait été assurée à de jeunes danseurs par les quelques survivants. Le premier spectacle public, organisé par le Centre Culturel Français, a été donné le 27 septembre 1997.
Le Reamker, Ramayana khmer
Par bien des aspects, le Reamker, le Ramayana khmer, qui daterait du début du second millénaire diffère de la légende originelle brahmaniste parce qu’il est d’abord beaucoup plus concis, parce qu’il confère aussi un rôle déterminant au personnage d’Hanuman, roi des singes et à Sovanna Maccha, la sirène qui tentera de déjouer les plans d’Hanuman lorsque celui-ci tentera, avec l’aide de son armée, de sauver Sita, captive du démon Ravana sur l’Ile de Lanka.
D’autre part, les attributs divin du dieu Rama, réincarnation du dieu Vishnou dans le panthéon hindou, disparaissent dans le Reamker pour laisser place à un héros plus «réaliste », à la fois puissant et vulnérable, appartenant davantage au monde des mortels qu’à celui des dieux.
Cette représentation de Sbek Thom mettra en lumière les trois principaux épisodes du Reamker narrant l’alliance du Prince Rama et de la Princesse Sita, les subterfuges du démon Ravana pour enlever Sita et piéger Rama, la libération de Sita par Hanuman, roi des singes, et son armée, les mises à l’épreuve de Sita par Rama et l’exil de Sita auprès de l’ermite Eisei.
Le Sbek Touch, petit théâtre d’ombres du Cambodge
Dérivé des formes ancestrales des théâtres d’ombres indien et malais, le petit théâtre d’ombres khmer sbaek touch existait déjà au IXe siècle après J.C., si l’on en croit les épigraphes.
Aussi surnommé ayang, en référence à l’ayai – joutes satiriques et improvisées entre hommes et femmes –, le « petit cuir », aux figurines articulées, s’avère plus savoureux et plus proche des préoccupations des villageois que le « grand cuir » sbaek thom et le théâtre d’ombres colorées sbaek pouch destinés à la Cour.
Très populaire dans les campagnes, prisé des enfants comme des adultes, le spectacle se joue dès le coucher du soleil au milieu des rizières et la fête peut durer parfois plusieurs heures.
Un bestiaire savoureux : de la satire à la sagesse
Populaire Rivalité, convoitise, quiproquos comiques et jeux de mots piquants : les scènes du sbaek touch sont autant de satires déguisées de la condition humaine et de ses nombreux ravers. Sous couvert d’histoires d’animaux et de parodie, le sbaek touch possède une réelle vocation éducative et préventive.
Le spectacle se déroule traditionnellement en deux parties : la première comprend deux histoires dont le scénario immuable doit cependant être nourri d’improvisations multiples. La seconde partie, qui puise habituellement dans les contes khmers, met ici en scène une création spécifiquement conçue pour cette soirée. Des singes bouffons et bagarreurs sva so et sva khemao en passant par l’histoire des vaches revêches de Chul Krobey, un bestiaire tout entier s’affronte joyeusement sur les rythmes légers et endiablés de l’orchestre pinpeat et des chansonnettes populaires. Alternant avec dialogues comiques et interjections en tous genres, la musique intervient plus particulièrement lors des scènes de combat. Contrairement au petit théâtre d’ombres thaïlandais, chaque marionnette possède son propre montreur.